Anecdote de René Triscos embarqué
sur le Glorieux
- Il est des anecdotes de la vie de
sous-marinier dont on ne se défait pas facilement. Celle,
par exemple, assez cocasse car inhabituelle pour un submersible :
remorquer, en pleine mer, un hydravion.
- Je m'en rappelle (sauf la date précise) on était
en Juin 1948 peut-être, car cela m'a valu près de 2
heures de manœuvres continues au D.I.A. des
électriques (démarreur, inverseur,
accélérateur). Je pense que je n'avais pas subi
cela depuis une escale au fin fond du port de DIEPPE après
franchissement d'écluses, portes et contorsions diverses
pour atteindre le poste qui nous était assigné.
Après je me suis vengé en me gavant de harengs
frits.
- Comment avons-nous joué les S.N.S.M. en
Atlantique?
- On était parti de la base sous-marine de Brest pour un
exercice d'entrainement et le hasard a voulu que nous sauvions un
équipage de DORNIER en panne et après avoir fait
surface à proximité.
- Les deux gars de l'Aéronavale faisaient des signaux
désespérés à un pétrolier
(nationalité inconnue) et à 1 mille marin et qui
n'a pas daigné se détourner de sa route. Les
naufragés de nous avaient même pas vu ! (trop petit
sans doute et bien que jaugeant 1500 tonnes) Beaucoup de
détails m'ont échappé car, en "bas", aux
électriques et non sur le pont, le kiosque ou la
"baignoire".
- Si j'ai pu prendre ces photos c'est que le Patron
électricien m'a accordé quelques instants pour
observer la scène et avaler "un bol d'air".
Dornier ©
René Triscos
- Mais en premier lieu il a fallu positionner
"LE GLORIEUX" de façon à créer une zone plus
calme en coupant les vagues nécessitant de
fréquentes impulsions aux moteurs électriques de
propulsion : Avant lent, stop, arrière,etc..
© René Triscos
© René Triscos
© René Triscos
© René Triscos
- Ce DORNIER, de récupération
allemande, n'avait rien d'un bateau de haute mer. Malgré
tout un va-et-vient a pu être installé après
pas mal d'efforts de façon à guider le berthon de
sauvetage le reliant à notre bord. C'est avec joie que
nous avons accueilli les 2 membres d'équipage, des
habitués des naufrages car, pendant la guerre ils en
avaient réchappé, déjà, à deux
reprises.
- Souvenir, car cela me ramenait en août 1944 où,
dans mon journal de Résistance, j'avais noté que,
dans la "poche" de la Pointe de GRAVE-ROYAN, les Allemands
étaient ravitaillés par sous-marins (depuis
l'ESPAGNE) et par voie aérienne (depuis le REICH)
puisqu'un hydravion, en panne, avait dû se poser
près de ST Jean d'ANGELY. Cette "prise de guerre"
venais-je de la croiser dans l'ATLANTIQUE ? La vie a donc plein
de carrefours ! Je venais de me télescoper avec le
hasard... Mais ce jour consistait à remorquer ce DORNIER,
"tombé" du ciel, demandant plusieurs heures de navigation
dans la nuit et avec une mer grossissant Rude et délicate
"tâche" demandant attention car la flottabilité de
ce "colis" n'était pas garantie. Avec la force
contrariante de la houle on risquait de se le prendre dans le
Q... (de poule). Nécessité de débrayer un
Diesel ne servant plus qu'à recharger les batteries
"épuisées" par toutes les manœuvres et
changements de cap. (Navigation plus douce sur accus).
Hélàs! si la remorque a tenu il a fallu la larguer
avant que tout casse et le remorqueur de haute mer est
arrivé bien trop tard alors que nous étions
à l'entrée du goulet. L'aile a touché l'eau
déséquilibrant l'avion qui a coulé. Perdu
corps et bien ? Non car les corps étaient saufs et au sec
à bord les sauvant une troisième fois du
désastre Si c'est raté, pour moi, un bon et fort
souvenir de mer ce fut quand même une désillusion
malgré la bonne action collective presque réussie.
En accostant dans notre alvéole à la base je me
disais : "Ce n'est pas tous les jours qu'on joue le ST BERNARD
ou, plutôt, les TERRE-NEUVE....