KTB U-108



Patrouille du 03 Mars au 02 Mai 1941 : PG 30104, NHB, reel 1080, pp. 636-8
11 Avril
Heure
Détails
Événements
09h45
Carreau AD 5352
Un panache de fumée en vue à un relèvement de 0° vrai que nous essayons d'approcher. Un navire à vapeur, incliné à 180°, qui change actuellement de cap à tribord, nouveau cap à 60°. Nous avançons. La visibilité est extrêmement variable en raison des averses de pluie et pendant un certain temps, le navire disparaît de la vue. Lorsqu'il réapparaît, il suit un cap inverse. Nous essayons à nouveau de nous mettre en avant. Je suppose qu'il s'agit d'un croiseur auxiliaire de la patrouille du détroit du Danemark (1).
12h00
Carreau AD 5327
Vent de Sud-Ouest force 4
Mer force 4
Forte houle
Bonne visibilité
Bourrasques
Distance parcourue dans la journée : 190 nautiques en surface, 5 nautiques en plongée, total : 195 nautiques.
13h00
 
Le navire change à nouveau de cap d'environ 180°, ce qui confirme mon hypothèse selon laquelle il s'agit d'un croiseur auxiliaire. Comme il est inutile d'essayer de tirer en avant, je prends position derrière lui, en essayant de suivre la même ligne de parcours.
16h00
Carreau AD 5319
Vent de Sud-Ouest force 3
Mer force 3
Partiellement couvert
Bourrasques intermittentes
Visibilité moyenne à bonne
Le croiseur auxiliaire disparaît de la vue dans un grain. J'avance péniblement.
17h23
 
Le croiseur auxiliaire émerge du grain, inclinaison 80°, portée environ 8000 mètres. Plongée d'alerte afin de ne pas être vu. À la profondeur périscopique, j'établis que le navire a encore changé de cap dans notre direction, avec une inclinaison de 40° peut-être. Je décide d'attaquer. La mer est calme, la houle minimale, pas de souffle de vent.
18h08
Carreau AD 5321
Une double salve de torpilles (les deux G7e) d'une portée de 2000 mètres, inclinaison de 100°, vitesse de l'ennemi de 13 nœuds, impossible de se rapprocher étant donné la grande inclinaison initiale de la cible.
Elles ont toutes les deux raté leur cible. D'après l'hydrophone, il semble qu'elles soient passées devant lui, nous avons donc dû surestimer sa vitesse.
C'est un croiseur auxiliaire d'environ 10000 GRT (2), peinture de camouflage, une seule cheminée, deux hauts mâts, des superstructures pour les passagers au milieu du navire, quatre trappes de chargement, un petit derrick sur le gaillard d'avant. Le pont est placé à une certaine distance de la cheminée. Peut-être 130 mètres de long - assez similaire au M.S. n° 328/Nector [sic] (3).
19h40
 
Surface.
20h00
Carreau AD 5324
Vent Ouest force 4
Mer force 3
Partiellement couvert
Bonne visibilité
 
20h25
 
Notre bateau se trouve directement sur la route du croiseur auxiliaire, inclinaison 0°. Nous plongeons en préparation de l'attaque. Alors que la portée se rapproche de 5000 mètres environ, le croiseur auxiliaire change de cap à tribord de 90°. L'attaque doit être abandonnée.
22h39
 
Nous remontons en surface et poursuivons le sillage de la cible. Le croiseur auxiliaire disparaît temporairement de la vue.
23h40
 
Plongée d'alerte - croiseur auxiliaire aperçu à 30° sur l'avant tribord, inclinaison 10°, s'incline vers la droite, émerge du brouillard. Tentative d'attaque, mais le périscope d'attaque de nuit est hors service et je ne vois rien avec le périscope d'attaque principal. Il commence à faire nuit. Le contact de l'hydrophone est de mauvaise qualité, ce qui rend impossible d'avoir une image claire des différentes trajectoires de l'ennemi.
24h00
Carreau AD 5323
Vent de Sud-Sud-Ouest force 4
Mer force 4
Partiellement couvert
Averses intermittentes
Autrement visibilité bonne
Scholtz
12 Avril
00h22
 
Nous faisons surface car nous ne pouvons ni voir ni entendre quoi que ce soit. Nous replongeons immédiatement. Le croiseur auxiliaire est positionné à un relèvement relatif de 110°, portée de 3000 mètres, inclinaison de 90°, proue à droite, notre bateau est une silhouette contre l'horizon lumineux de l'Ouest. Nous nous retirons.
00h47
 
Nous remontons à la surface. Le croiseur auxiliaire n'est plus en vue. Résumé de la journée : compte tenu des changements de cap et les vitesses du croiseur auxiliaire une attaque de jour ne peut être menée que si la chance est de notre côté que l'ennemi change constamment de cap, en général en faisant demi-tour avant que notre bateau n'ait terminé sa manœuvre de la limite de la portée visuelle à une position de tir en plongée satisfaisante. Là où notre l'attaque du crépuscule est préoccupante, nos impressions sur la surface sont que cela aurait réussi si le périscope de l'attaque nocturne a été utilisable. Comme la nuit est trop claire pour une attaque de surface, avec un la lune brille à travers les nuages, mais est en même temps trop sombre pour une attaque sous-marine avec le périscope d'attaque, je décide d'utiliser les heures d'obscurité pour me retirer au Nord et charger les batteries afin que nous soyons bien placés pour reprendre contact et tenter une nouvelle attaque de jour.
04h00
Carreau AE 1771
Vent d'Est-Nord-Est force 3
Mer force 3
Partiellement couvert
Bonne visibilité
Grêle et bourrasques
Le bateau a atteint sa latitude la plus septentrionale, 66°43'N. En effet, l'officier de quart parvient tout juste à éviter une banquise qui s'élève à environ 2 mètres au-dessus de la surface. Nous faisons demi-tour en raison des dangers que représente la glace.
08h00
Carreau AD 2995
 
10h00
Carreau AD 2997
Ennemi en vue. La visibilité est d'abord réduite à cause des averses, mais elle est ensuite très bonne, environ 15 nautiques.
12h00
Carreau AD 5321
Vent de Nord-Est force 5
Mer force 4
Houle
Neige et bourrasques
Bonne visibilité
Distance parcourue dans la journée : 135 nautiques en surface, 17 nautiques en plongée, total : 152 nautiques.
13h00
 
L'ennemi change de cap vers nous, inclinaison de 10°.
13h05
 
Plongée pour commencer l'attaque.
13h25
 
L'ennemi change de cap de 90°. Compte tenu de ma portée d'environ 5000 mètres, je me retrouve une fois de plus dans une position désespérée. Toujours en plongée, je bats en retraite.
14h53
 
Nous remontons en surface. L'ennemi n'est plus en vue. Je me lance à sa poursuite.
16h00
Carreau AD 5324
Vent d'Est-Nord-Est force 5
Mer force 3
Nuageux
Bourrasques
Bonne visibilité
J'ai l'intention de rétablir le contact avant la nuit et de tenter ensuite une attaque de nuit.
17h00
 
Croiseur auxiliaire à nouveau en vue, cap au 200° environ.
18h50
Carreau AD 5316
L'ennemi n'est plus en vue. A nouveau, je me lance à sa poursuite.
20h00
Carreau AD 5318
Vent de Nord-Est force 4
Mer force 5
Partiellement couvert
Bonne visibilité
Une fois de plus, nous rencontrons d'importants floes (*) de glace qui se trouvent principalement sous la surface.
20h14
 
Ennemi en vue, inclinaison 10°, s'incline vers la droite. Nous plongeons pour attaquer.
20h46
 
Nous tirons une troisième torpille, un G7e, inclinaison 105°, vitesse ennemie 8 nœuds, d'une portée d'environ 1000 mètres.
Soit je rate, soit la torpille passe sous la cible.
20h48
 
Nous tirons une quatrième torpille, également un G7e, inclinaison 120°, vitesse de l'ennemi 5 nœuds, portée d'environ 800 mètres. Celle-ci aussi manque, soit à cause d'une mauvaise appréciation de la vitesse du navire, soit parce que la torpille passe sous la cible. Mais à partir de cette distance, les tirs auraient dû toucher même avec des erreurs de coordonnées importantes.
Il est devenu très difficile d'évaluer la vitesse de l'ennemi. Comme nous le constatons en suivant son sillage, le croiseur auxiliaire modifie constamment sa vitesse, et les changements sont souvent conséquents.
En raison de la forte houle, j'ai opté pour un réglage de profondeur de 4 mètres, mais cela peut aussi avoir fait passer les torpilles sous la cible.
Nous rechargeons les tubes lance-torpilles.
23h08
 
Nous remontons à la surface. L'ennemi n'est plus en vue.
24h00
Carreau AD 5346
Vent de Nord-Est force 4
Mer force 3
Houle moyenne
Nuageux
Bonne visibilité
Scholtz
13 Avril
00h30
 
Ennemi en vue devant, naviguant à grande vitesse. Nous essayons de nous accrocher à son sillage. Aucune chance de gagner une position avancée à cause de la grande vitesse de l'ennemi. Il disparaît temporairement de la vue malgré nos 14 nœuds.
04h00
Carreau AD 5536
Vent de Nord-Est Force 4
Mer force 3
Houle
Couvert
Bonne visibilité
 
07h15
 
Croiseur auxiliaire en vue droit devant, naviguant maintenant sur une route inverse.
07h40
 
Plongez pour attaquer. 5ème torpille, une G7e, inclinaison 90°, vitesse ennemie 8 nœuds, portée 800 mètres. Manqué.
07h43
 
6ème torpille, une G7e, inclinaison 120°, vitesse ennemie 12 nœuds, portée 600 mètres. Un coup entre le mât arrière et la cheminée. D'énormes flammes accompagnent la détonation. Une partie du navire brûle ensuite, accompagnée de nuages de fumée. Plus tard, la situation s'est calmée.
Pendant l'attaque, nous avons connu de fortes variations d'assiette dues à la forte houle et avons dû marcher à mi-vitesse pour maintenir le bateau stable. Après la détonation, le croiseur auxiliaire tire sur le périscope avec ses canons de pont - nous pouvons entendre les impacts à l'intérieur du bateau. Je peux voir les coups de feu tirés depuis le pont promenade au-dessus, vraisemblablement de calibre 8,8 et 2cm (4).
Le croiseur auxiliaire n'a plus qu'à poursuivre sa route, en gardant le même cap.
08h00
Carreau AD 5582
Vent d'Est-Nord-Est force 5
Mer force 4
Principalement nuageux
Visibilité moyenne
Rafraîchissement
Ils semblent également utiliser des hydrophones pour diriger leur tir chaque fois que notre périscope est abaissé.
Des impacts ont été entendus tout autour du bateau.
08h23
 
7ème torpille, une G7a, inclinaison 113°, vitesse ennemie 3 nœuds, portée 1800 mètres. Un raté. La torpille n'a pu être entendue avec les hydrophones que pendant cinq secondes, alors que toutes les autres ont pu être entendues clairement pendant la durée de leur course. Elle s'est donc clairement dirigée vers le fond de la mer après 100 m de sa course.
09h30
 
8ème torpille, une G7e. Une torpille coup de grâce pour le croiseur auxiliaire arrêté. Touché. Impact non observé car le bateau plonge brièvement sous la surface. Je manœuvre autour de lui. Le navire prend une forte gîte sur bâbord et s'enfonce plus profondément par l'arrière. Ils ont cessé de tirer. J'estime qu'aucune autre torpille n'est nécessaire et que le navire va couler, surtout dans ces conditions de mer forte.
Je décide de mettre le cap au large, au 250°, et de jeter un autre coup d'œil plus tard à l'horizon lointain. La poursuite de la croisière à la profondeur périscopique ne peut se justifier compte tenu des conditions difficiles pour maintenir l'assiette du bateau, sans parler de la surveillance aérienne évidemment attendue. Surtout en l'absence d'un périscope de veille aérienne (5).
11h01
 
Une forte détonation à proximité. Comme la possibilité d'un avion ne peut être exclue, je plonge à T = 45 mètres, bien qu'à en juger par le bruit, il ne peut s'agir d'une charge de profondeur ou d'une bombe aérienne (6). On n'entend rien d'autre. Je suppose qu'il doit s'agir d'une explosion à bord du croiseur auxiliaire (munitions) (7).
12h00
Carreau AD 5559
Distance parcourue dans la journée : 161 nautiques en surface, 23 nautiques en plongée, total : 184 nautiques.
13h00
 
Bruits d'hélice à un cap de 240°, hautes révolutions, probablement un destroyer (8).
14h00
 
Les bruits d'hélices ont reculé et se sont éteints.
14h56
 
Nous faisons surface à 9 nautiques de la scène du naufrage. Je me dirige dans sa direction. Un seul grand mât apparaît à l'avant, suivi d'un autre à 300° sur l'avant tribord. Sans doute des destroyers sur les lieux du naufrage (9). Aucun signe du croiseur auxiliaire. Il a dû couler.
15h18
 
Nous partons dans la direction opposée.
15h20
 
Plongée d'alerte due à l'approche d'un avion, bien qu'il ne nous ait pas repérés. Je suppose que des hydravions de Reykjavik nous recherchent en grands cercles autour du lieu du naufrage.


1) Le croiseur marchand armé H.M. Rajputana.
2) Un cas rare de commandant de U-Boot sous-estimant dramatiquement la taille de sa cible, le Rajputana étant de 16664 GRT.
3) Scholtz fait peut-être référence au Nestor de l'Ocean Steamship Co., bien qu'il ait été considérablement plus grand avec 14629 GRT et 580 pieds de long il est beaucoup plus grand que les 10000 GRT et les 130 mètres (427 pieds), même si il est beaucoup plus proche de la taille réelle du Rajputana. Une alternative plus probable est le cargo Nestor (2446 GRT), converti par la Kriegsmarine en 1941 en un Sperrbrecher ("forceur de blocus") utilisé pour escorter les navires de surface et les U-Boote aux abords de leurs bases. Bien que l'abréviation "M.S." (Minellschiff - 'mouilleur de mines) de Scholtz et la longueur du Nestor (110 mètres, 360 pieds) apportent un certain soutien à cette identification, il convient de préciser que le numéro de code Sperrbrecher du Nestor était le 21 et non le 328 mentionné ici.
4) Le Rajputana était armé d'un support de 6 pouces ainsi que d'une paire de canons de 3 pouces (12 livres) qui équivaudrait au 'calibre 8,8cm de Scholtz. Les 20mm Oerlikon n'était pas monté.
5) Le périscope de veille aérienne (Luftzielsehrohr) était un autre nom pour le périscope de recherche nocturne (Nachtzielsehrohr), que Scholtz a précédemment rapporté comme étant inutilisable.
6) Par 'T = 45 m', Scholtz semble enregistrer une plongée de 185 mètres (607 pieds).
7) Comme cette entrée correspond au moment où le Rajputana a coulé, la détonation enregistrée par Scholtz pourrait être attribuée à l'explosion d'une chaudière lors de sa descente.
8) Probablement le H.M.S. Legion.
9) Le Legion est le seul navire enregistré par les Britanniques comme ayant atteint le lieu du naufrage.

(*) Un floe est un fragment de glace de mer en forme de radeau plat, de 20 mètres ou plus d’extension horizontale, moins épais que la banquise à proprement parler. (Wikipedia).


Libre traduction par l'auteur du site des pages 89,90 et 91 de l'ouvrage "U-Boat Attack Logs" de Daniel Morgan & Bruce Taylor chez Seaforth Publishing.

Glossaire

gauche

Homepage