KTB U-123



Patrouille du 02 Mars au 02 Mai 1942 : PG 30113, NHB, reel 1081, pp.737-9
26 Mars
Heure
Détails
Événements
16h00
20h00 (1)
19h03
23h03
Carreau CA 9576
Nuages de fumée sur le travers tribord. En nous rapprochant, je suppose d'abord qu'il s'agit d'un convoi, car nous pouvons souvent distinguer six ou sept nuages de fumée individuels très éloignés les uns des autres à l'horizon. Il s'avère par la suite qu'il ne s'agit que d'un seul navire à vapeur, émettant régulièrement de très puissantes bouffées de fumée qui sont ensuite emportées par un vent de travers. Il suit un cap régulier de 215°. Il s'avère plus tard que c'est le vapeur américain "Carolyn", 3209 GRT, qui navigue comme leurre pour les U-Boote. Comme il est alimenté au pétrole, il doit produire cette fumée artificiellement pour attirer les U-Boote. À la tombée de la nuit, il cesse de produire une fumée épaisse et se met soudain à zigzaguer.
27 Mars
20h00
24h00
Carreau CA 9812
Au début, nous sommes méfiants, mais lorsque nous commençons notre approche nocturne en surface, nous l'identifions comme un cargo standard et nos soupçons sont dissipés. Il a une poupe basse et lisse ordinaire et un gaillard d'avant de niveau. Rien n'indique qu'il y ait une structure ou quelque chose de similaire qui peut nous amener à conclure qu'il est armé. Un grand pont au milieu du navire, comme c'est le cas pour les cargos à passagers. Mais ce qui aurait vraiment dû nous frapper, c'est le fait que le navire a une structure très élevée à l'arrière de la cheminée (2). La lune est bien cachée derrière les nuages et je tire une 'Eto' du Tube II (3).
22h37
02h37
Carreau CA 9578
Vent de Nord de force 3
Nuages 9/10
Mer de force 2/3
Visibilité 4 nautiques
Données des torpilles : inclinaison 90°, vitesse de l'ennemi 10 nœuds, profondeur 3 mètres, portée 650 mètres. Un coup à l'avant du pont qui prend feu, le navire s'immobilise avec une gîte sur bâbord. Je suppose qu'il va couler rapidement, car il fait route. Il transmet un signal donnant son nom et sa position (4). Après avoir tiré, je tourne à tribord pour passer la poupe du navire. Il a mis un bateau de sauvetage à l'eau, un deuxième est suspendu à ses bossoirs. La situation semble tout à fait simple et, même maintenant, rien n'éveille nos soupçons.
Mais à ce stade, j'ai l'impression qu'elle est toujours en mouvement car la portée diminue soudainement. J'ordonne un changement de cap à tribord. Mais notre vapeur change également de cap à tribord et tourne soudainement sur le côté (inclinaison de 90°). Je tourne à fond à tribord car les volets et les bâches sont soudainement abaissés et il commence à tirer avec au moins un canon de pont et deux mitrailleuses de 2cm (5). Nous avons la chance que les tirs du canon de pont soient d'abord insuffisants et qu'ils soient ensuite loin de la cible. Nous pouvons clairement voir la chute des tirs. Les obus de 2cm pleuvent sur le pont et sifflent désagréablement sur nos têtes. Ils se retirent immédiatement à la vitesse maximale, ce qui a l'avantage inattendu de produire de grands nuages de fumée de diesel qui nous cachent alors la vue. Je vois alors de gros fragments qui volent dans l'air. Ils sont suivis de puissantes détonations qui secouent violemment tout le bateau. Ma première pensée est que nous avons été touchés par une torpille. Tous les renforts sont en place. Je vois ensuite de grandes colonnes d'eau et je pige que ce qui tombe maintenant ce sont des charges de profondeur tirées sur nous avec des lanceurs (6). Je suis tombé comme un novice sur un leurre pour U-Boote bien armé. Le Fähnrich zur See Holzer a été blessé lors de la première salve et il est extrêmement difficile de le faire descendre dans le bateau par le panneau du kiosque (7). Pour cette raison et à cause des nombreux coups et des charges de profondeur entendues, je ne peux pas ordonner immédiatement une plongée d'alarme, mais je dois attendre de voir si le bateau est encore en état de le faire. Nous nous retrouvons alors à distance de tir et l'ennemi cesse le feu. Personne, à part Holzer, n'est blessé et un test de pression révèle que la coque épaisse est toujours étanche. Nous avons eu une chance exceptionnelle - le lendemain, nous comptons huit coups de 2cm sur le pont.
Une fois que nous sommes hors de portée, je descends pour découvrir que l'état de Fähnrich Holzer est sans espoir. Une balle de 2cm a explosé dans sa cuisse droite, dévastant la chair entre la hanche et le genou et en arrachant une grande partie. Il est impossible de déterminer avec précision le degré de destruction de l'os, mais la jambe est suspendue par de minuscules morceaux de peau. Nous appliquons un garrot, en devant utiliser une serviette pour la blessure principale car notre bandage n'est pas bon pour une blessure de cette ampleur. Il est immédiatement évident qu'une telle blessure ne peut pas être traitée avec succès dans des conditions de sous-marin, même avec un médecin à bord, et comme nous sommes à plusieurs jours de croisière du port neutre le plus proche, je prends la décision de lui faciliter la tâche au maximum et de lui injecter une dose substantielle de morphine. Holzer fait preuve d'un courage exemplaire. Il reste conscient pendant une heure encore, sans faire de bruit qui trahirait sa souffrance, bien qu'il admette librement, lorsqu'on l'interroge, qu'il est dans une douleur presque intolérable. Vers 24h00 04h00, il perd conscience.
                                                                                                                                                 Hardegen
27 Mars (8)
 
 
Comme le "Carolyn" n'a pas coulé - il semble qu'il ait une cargaison flottante - je décide de mener une attaque en plongée (9). Le navire s'est arrêté et l'équipage est remonté à bord.
00h29
04h29
Carreau CA 9578
Je tire un "coup de coup-de-grâce" depuis le tube I à la salle des machines qui frappe après une course de 24 secondes (10). La partie avant du navire se stabilise davantage et est maintenant inondée jusqu'à la passerelle. Je peux voir la poupe hors de l'eau, l'hélice en l'air, toujours en gîte sur bâbord. L'équipage remonte dans les bateaux. Nous nous retirons, toujours en plongée.
01h27
05h27
 
Nous faisons surface. Le vapeur reste exactement dans la même position que la dernière fois qu'il a été observé au périscope.
01h50
05h50
 
De puissantes détonations, soit des chaudières, soit des charges de profondeur et la soute à munitions. Après le naufrage du "Carolyn", aucun morceau d'épave n'est visible. Le Fähnrich Holzer est mort tranquillement pendant l'attaque en plongée. Nous avons tous perdu un excellent camarade. Vers 08h00, nous l'avons inhumé en mer après un court service. Il a maintenant une tombe de marin à la position 35°38'N 70°14'O.
04h00
08h00
Carreau CA 9811
Nous revenons à notre ancien cap de 270°.
08h00
12h00
Carreau CA 9722
 
12h00
16h00
Carreau CA 8933
Vent de Nord-Est de force 2-3
Nuages 6/10
Mer de force 2
Visibilité 15 nautiques
Distance parcourue dans la journée : 153 nautiques (avec 124 en plongée), total de la croisière : 3456 nautiques.
16h00
20h00
Carreau CA 8919
 
19h00
23h00
 
Plongée d'alarme ! Grand avion terrestre (11).


1) Les heures originales indiquées dans cet extrait de journal ont toutes été rayées et modifiées au crayon pour les avancer de quatre heures. Le 24 Mai à midi, Hardegen a noté dans le journal de bord qu'il modifiait l'heure du MEZ (Mitteleuropäische Zeit - heure d'Europe centrale) pour la faire correspondre à l'heure locale de la zone de patrouille, qui était le MEZ-4. Cependant, il a été ordonné par la suite de rétablir les heures d'origine, ce qui explique la modification manuscrite à côté de chaque entrée chronométrée.
2) Cela contredit bien sûr le commentaire de Hardegen deux phrases plus haut.
3) Malgré l'utilisation par Hardegen de la première personne du singulier, cette torpille est fait tirée par le premier officier de quart de l'U-123, l'O.L. Horst von Schroeter, comme c'est la pratique courante pour les attaques de surface la nuit. 'Eta' est l'abréviation de Kriegsmarine pour la torpille électrique G7e.
4) C'est probablement le signal de l'"Atik" à 20h55, heure du navire.
5) Hardegen semble décrire les canons de pont de 4 pouces et les mitrailleuses de 0,5 pouce (calibre 50) de l'"Atik".
6) L'"Atik" a six lanceurs de charges de profondeurs à l'arrière : deux sur le pont sous les canons arrière de 4 pouces, deux sur le pont du coffre arrière à côté de l'écoutille n°5 et deux sur le pont de dunette, disposés à bâbord et à tribord dans chaque cas.
7) Cette remarque et les suivantes contredisent le commentaire antérieur de Hardegen selon lequel les tirs de l'"Atik" "ne sont pas à la hauteur puis insuffisants". Le grade de Fähllrich zur See est égal à celui d'enseigne de la marine américaine et d'aspirant de la Royal Navy.
8) La position de la date reflète l'original.
9) L'"Atik" transporte en effet une cargaison de billots de bois.
10) Cela équivaut à une portée de 360 mètres.
11) Il est fort possible que le bombardier de l'USAAF a reçu l'ordre de se rendre à la position indiquée dans le signal de détresse de l'"Atik", car l'U-123 n'a pas changé de cap de manière significative vers le Nord ou le Sud entre-temps.

Libre traduction par l'auteur du site des pages 226 et 227 de l'ouvrage "U-Boat Attack Logs" de Daniel Morgan & Bruce Taylor chez Seaforth Publishing.

Glossaire

gauche

Homepage