U.S.S. Skill (AM-115)
- USS "Skill" (© USN) -
- Le USS Skill (AM-115) est l'un des
dragueurs de mines auxiliaires de la classe "Auk", un
développement de la classe "Raven" d'avant-guerre avec des
installations pour le mouillage de mines et une capacité
anti-sous-marine améliorée. Propulsé par des
moteurs diesel-électriques, il est construit par
l'American Shipbuilding Co. dans son chantier de Lorain, Ohio,
sur le lac Érié, en Novembre 1941, lancé en
Juin 1942 et mis en service le 17 Novembre de la même
année. Après sa croisière d'essai, il est
affecté au Mine Squadron 6 of the Atlantic Fleet's
Division 17 et passe les premiers mois de sa carrière
à effectuer des missions anti-sous-marines au large de la
côte est des États-Unis. Bien que les sources
publiées (DANFS) indiquent qu'il opère le
long de la côte nord-africaine en vue de l'opération
"Torch" en Novembre 1942, le Skill n'atteint en fait la
Méditerranée qu'en 1943, où il effectue ses
premières missions de dragage de mines dans la perspective
de l'opération "Husky", l'invasion de la Sicile le 10
Juillet. L'heure de gloire d'une carrière courte mais
active a lieu au large de Porto Empedocle, en Sicile, le 15
Juillet, lorsque le Skill remorque son sister-ship
Staff hors du champ de mines dans lequel il a
été endommagé. Puis, le 26 Juillet, il aide
le destroyer U.S.S. Mayrant (commandé par le fils
du président, Franklin Delano Roosevelt Jr) à
entrer dans Palerme après que ce dernier a
été fortement endommagé par un bombardement
en piqué allemand. Le Skill est ensuite
endommagé lors d'un raid aérien sur le port de
Palerme la même nuit, et doit être
réparé et envoyé en cale sèche
à Alger. Les réparations sont achevées
à temps pour qu'il puisse participer à
l'opération "Avalanche", le débarquement à
Salerne qui commence le 09 Septembre 1943, après quoi il
est affecté aux patrouilles et aux convois dans les eaux
locales où il va connaître son destin.
- Le 15 Septembre 1943, l'U-593 du
Kptlt Gerd Kelbling appareille de
Toulon avec pour mission de harceler les navires alliés
dans le golfe de Salerne après les débarquements
effectués six jours plus tôt. Malgré des
problèmes persistants avec deux de ses mécanismes
de mise à feu des torpilles, Kelbling coule le 21 le cargo
William W. Gerhard et déclare avoir
endommagé un deuxième navire, ce qui n'a pas
été confirmé. Le matin du 25, alors qu'il
navigue presque exactement dans la même position que celle
où il avait réussi quatre jours plus tôt,
Kelbling aperçoit deux 'destroyers' à travers son
périscope. Il s'agit des dragueurs de mines Seer et
Skill, qui patrouillent alors dans le golfe de Salerne
avec leurs sister-ships Speed et Pilot du Mine
Squadron 6. Bien que l'un des membres de l'équipage du
Skill se souvienne avoir aperçu des traces de
torpilles deux minutes avant l'impact à 11h40 (une
observation douteuse compte tenu de la durée totale de
quatre-vingt-seize secondes et du fait que les traces
présumées n'ont été aperçues
qu'à 150 mètres du navire), la plupart ne se
doutent pas du désastre qui les attend avant que leur
navire ne soit mis en pièces. En effet, l'attaque de
Kelbling est si dévastatrice que la plupart des membres de
l'équipage du Skill n'ont jamais pu savoir ce qui
les a frappés.
- Frappant l'arrière de la soute à munitions avant,
l'explosion de la torpille fut immédiatement suivie d'une
seconde d'une ampleur exceptionnelle. On supposa plus tard que
l'ogive avait fait exploser la soute à munitions avant et
peut-être aussi les réservoirs de carburant avant.
Comme l'a rappelé le Cdr A. H. Richards, commandant de la
MinRon 6, depuis la passerelle de l'U.S.S. Pilot, alors
distant de huit nautiques, une 'énorme colonne de
fumée blanche [...] a été suivie presque
instantanément par des flammes brillantes, jaunes et
dorées, qui ont complètement consumé la
fumée blanche et se sont élevées
jusqu'à une hauteur estimée entre 1 000 et 1 500
pieds (≈ 305 mètres et 460 mètres). L'effet
combiné a été de briser le navire en deux,
bien qu'aucune section n'ait coulé aussi rapidement que le
prétend Kelbling. La section arrière est
restée en équilibre pendant un certain temps, mais
le feu qui a embrasé sa partie avant a non seulement
empêché toute forme de contrôle des dommages,
mais a progressivement envahi l'arrière jusqu'à ce
qu'elle soit complètement embrasée. La section
arrière a coulé à la suite d'une forte
explosion à 12h00, vingt minutes après l'attaque.
La partie avant a chaviré immédiatement
après les premières détonations et est
restée étrave haute avant de disparaître vers
12h10.
- La perte de l'U.S.S. Skill est inhabituelle en ce sens
que pas un seul officier ou premier maître n'a
été vu après l'explosion initiale. La
violence de la détonation et la vitesse à laquelle
la section avant a chaviré étaient telles que seuls
cinq hommes ont survécu dans cette partie du navire : un
homme à la proue, deux sur la passerelle et deux sur le
pont des bateaux à l'arrière. Le premier, le
matelot Henry R. Beausoleil, qui assurait la veille des mines, a
été projeté à la mer à une
centaine de mètres du navire. Beaucoup n'ont
réalisé ce qui leur était arrivé
qu'en reprenant conscience dans l'eau. Le matelot Soundman Frank
M. Lombardo était occupé à déjeuner
dans le mess bondé de l'arrière :
Il était exactement 11h40. Je me suis penché
pour prendre une bouchée ... et c'est la dernière
chose dont je me souviens. La prochaine chose dont je me souviens
est la sensation de descendre de plus en plus profondément
dans l'eau, et je me suis instinctivement retourné pour
remonter à la surface. Je devais être 20 ou 25 pieds
sous l'eau, à en juger par le temps qu'il m'a fallu pour
remonter à la surface.
- Atteignant la surface à une cinquantaine de
mètres du navire et remontant à bord de la section
arrière, Lombardo a vu un certain nombre d'hommes luttant
pour libérer les radeaux alors que le feu prenait. L'un
d'entre eux, le matelot de 2e classe Joseph E. Garnier, avait
deux jambes cassées après avoir été
soufflé du pont, mais il aidait à dégager
les radeaux. Le second de charpentier 1/c Everett B. Reed a
reçu la Silver Star pour ses efforts inlassables pour
aider les hommes blessés piégés par le feu
ou se noyant près de l'épave. Les hommes dans l'eau
qui n'avaient pas de gilets de sauvetage ont été
fournis par ceux qui étaient encore à bord du
navire, notamment par le Gunner's Mate 1/c Harry W. Bataille,
bien que les survivants sur le côté bâbord
aient bientôt fait face à une menace encore plus
grave. Lombardo :
Mais maintenant, le diesel a pris feu et, dans un
rugissement, il a éclaté en une flamme de 15
à 20 mètres de haut, un grand mur de feu rouge et
crépitant qui a commencé à s'abattre sur
nous. Le radeau était un piège. Nous ne pouvions
pas le déplacer, et bien que beaucoup d'entre nous aient
été gravement blessés, nous avons dû
le quitter et nous débrouiller seuls. Je regardais ce feu,
et mon esprit semblait engourdi dans le vide. Je me suis
demandé si je pourrais plonger quand il m'atteindrait et
nager sous lui pour me mettre en sécurité, mais je
savais qu'il n'y avait aucune chance que cela arrive. Au fur et
à mesure qu'il avançait, la zone derrière
lui continuait de brûler, si bien que je devais nager
cinquante mètres sous l'eau pour le dépasser. La
légère brise l'a poussé le long du
côté bâbord du navire et l'a répandu
plus profondément sur l'eau. Il n'y avait qu'un seul
chemin à suivre pour moi, tout droit devant le feu vers la
poupe du navire. Les mouvements étaient douloureux et je
ne semblais pas avancer du tout. Je pouvais sentir la chaleur
terrible de la flamme, et elle gagnait implacablement sur moi.
Pendant plusieurs minutes angoissantes, j'ai cru que
j'étais mort, puis j'ai atteint la poupe du navire et j'ai
nagé autour, à l'abri de la chaleur brûlante.
Le feu ne suivait pas, le vent le poussait loin du
côté bâbord et tout ce qui se trouvait du
côté tribord était de l'eau claire.
- D'autres, qui ont pris la mauvaise direction ou qui n'ont pas
réussi à devancer le brasier, ont été
engloutis sous le regard impuissant du reste de la MinRon 6. L'un
d'entre eux pouvait s'estimer particulièrement chanceux,
le second électricien Edgar P. Lesperance, le dernier
à abandonner le navire après avoir donné son
gilet de sauvetage à un camarade blessé, bien qu'il
ne sache pas nager. Sautant de la section arrière peu
avant qu'elle n'explose, Lesperance a été surpris
de constater que la nécessité l'avait doté
d'une compétence insoupçonnée et il a
nagé de façon improvisée sur une centaine de
mètres jusqu'au radeau le plus proche.
- Au cours des quatre-vingt-dix minutes qui suivirent,
trente-trois survivants hébétés - moins d'un
tiers de l'effectif du navire - furent sortis de l'eau par le
Seer et le Speed, pratiquement tous sur une
civière. Pas un seul survivant n'est indemne. Quatre
d'entre eux ont succombé à leurs blessures, soit
à bord du Speed, soit à bord du
navire-hôpital Acadia de l'armée
américaine. Parmi eux, le S.E.C. Garnier qui, en insistant
pour rester en arrière afin d'aider à la mise en
place des radeaux, n'a pas pu s'éloigner suffisamment de
l'épave avant l'explosion de la section
arrière.
Libre traduction par l'auteur du site des pages 350, 351 et 352
de l'ouvrage "U-Boat Attack Logs" de Daniel Morgan & Bruce
Taylor chez Seaforth Publishing.