Kaiten



ARMES SPÉCIALES D'ATTAQUE (SUICIDE)

- Parmi les armes inhabituelles transportées par les sous-marins japonais figurent des armes suicides d'attaque spéciale (tokkō) produites à la fin de la guerre, en particulier après la défaite japonaise lors de la bataille du golfe de Leyte. (Tokkō est une abréviation formée par la combinaison de toku et de .) En Octobre 1944, le projet Kaiten reçoit une haute priorité. Un seul type de torpille suicide est achevé et devient pleinement opérationnel avant la fin de la guerre : une torpille humaine, le Kaiten (le mot signifie révolution, mais pendant la guerre, il est compris comme signifiant que la défaite imminente sera transformée en victoire). Le Kaiten original (Type 1) pèse 8,3 tonnes ; il est alimenté par du kérosène et de l'oxygène pur ; sa portée opérationnelle à 30 nœuds est d'environ 4 nautiques (13 nautiques à 30 nœuds), est d'environ 4 nautiques (13 nautiques à 12 nœuds) et le poids de son ogive est de 3 400 livres. Deux types améliorés de Kaiten (Types 2 et 4) déplacent environ 18,3 tonnes chacun ; ils ont une portée de plus de 8 nautiques à 30 nœuds ou de 14 à 17 nautiques à 20 nœuds. Le poids de l'ogive est de 3 400 livres, bien que le Type 4 ait été conçu pour transporter plus d'explosifs. Les Types 2 et 4 ne sont construits qu'en très petit nombre avant la fin de la guerre, mais près de 400 Kaiten de Type 1 sont achevés. Ces torpilles suicides sont souvent lancées depuis le pont d'un sous-marin. Cependant, les sous-marins porteurs de Kaiten ne deviennent pleinement opérationnels qu'au début de l'année 1945.

Opérations Kaiten

- Quelques sous-mariniers japonais à l'esprit désespéré défendent l'idée de développer une arme suicide, une torpille humaine appelée Kaiten, pendant plus d'un an avant que le premier kamikaze ("vent divin") ne soit utilisé au combat au large de la côte de Leyte, le 25 Octobre 1944. C'est à de jeunes sous-mariniers que l'on doit l'idée de la torpille humaine lors de la bataille de Guadalcanal, au tout début de l'année 1943. Ces sous-mariniers, inquiets de l'avenir de l'empire japonais, suggèrent le développement d'une sorte d'arme ultime qui serait dirigée par des pilotes suicidaires, mais leurs suggestions ne sont pas très concrètes ni précises.
- Des suggestions plus spécifiques sont faites par deux jeunes officiers, le lieutenant mécanicien (jg) Hiroshi Kuroki et l'enseigne Sekio Nishina. Ils ont été formés dans des sous-marins nains et sont déjà psychologiquement prêts à mourir, si nécessaire, pour mener à bien une mission efficace contre l'ennemi. Ils proposent qu'une torpille de Type 93 destinée aux navires de surface, la torpille Long Lance, soit convertie en une sorte de torpille à tête chercheuse, à propulsion humaine. Les torpilles humaines pourront être transportées sur le pont des sous-marins jusqu'à proximité de la cible. Elles pourront alors être lancées après avoir obtenu les données de tir de la torpille concernant la portée de la cible, le cap, la vitesse et l'angle de tir. Leurs suggestions ne reçoivent pas beaucoup d'attention en 1943, en partie parce que les propositions de Kuroki et de Nishina n'incluent pas de mécanisme d'évacuation pour assurer la survie du pilote. Mais le lieutenant Kuroki persiste à promouvoir son idée de torpille humaine et finit, en Février 1944, par présenter des plans aux autorités navales centrales à Tokyo.
- Au début de l'année 1944, après une année de nouvelles décourageantes sur le cours de la guerre, il n'est pas tout à fait surprenant qu'au moins certaines autorités navales de Tokyo deviennent plus réceptives à l'idée de la torpille humaine qu'elles ne l'ont été auparavant. En effet, le commandant Tamori Yoshimatsu, responsable de la préparation des sous-marins au sein du ministère de la marine, accepte la proposition du lieutenant Kuroki. Il estime qu'elle mérite au moins un examen plus approfondi et ordonne la fabrication top secrète d'une torpille humaine expérimentale.
- Les problèmes initiaux sont nombreux. Le plus important est la profondeur maximale limitée que la torpille humaine peut endurer - 80 mètres (la plupart des sous-marins porteurs qui ont été réaménagés pour transporter le Kaiten ont une profondeur de plongée maximale de 100 mètres). Ainsi, le rayon d'action en plongée du sous-marin mère transportant la nouvelle arme sur le lieu du combat peut être limité dans les situations d'urgence. Ce facteur n'est pas sans inquiéter certains planificateurs de sous-marins à l'époque, en raison de la sophistication croissante des forces ASW ennemies et de la nécessité accrue de plonger plus profondément.
- Néanmoins, la défaite cuisante subie par les forces japonaises aux Mariannes tend à encourager les planificateurs de cette nouvelle arme à rationaliser les points de vue antérieurs sur les faiblesses du véhicule et à aller de l'avant dans le développement et l'utilisation de la torpille humaine.
- Le terme Kaiten a une signification particulière dans le Japon de la guerre. Il traduit un sentiment général de rendre possible l'impossible, par exemple en transformant la défaite imminente de 1945 en victoire. Le premier groupe de la base spéciale d'entraînement des sous-marins pour le Kaiten est organisé à Ōtsujima, dans la baie de Tokuyama, sur la mer intérieure, le 10 Juillet 1944. L'installation est commandée par le contre-amiral Mitsuru Nagai. Comme on peut s'y attendre, le programme du Kaiten suscite un grand enthousiasme et les volontaires ne manquent pas.
- L'entraînement est difficile dans les unités d'attaque spéciale (tokkō), mais les jeunes officiers et soldats, principalement issus des corps d'officiers réservés et des groupes d'entraînement à l'aviation, se portent volontaires avec enthousiasme. Conduire un Kaiten à une vitesse de 40 nœuds est extrêmement difficile et les accidents ne sont pas rares. Le lieutenant mécanicien Kuroki est tué dans un accident lors d'essais en Septembre 1944. L'embarcation est souvent instable ; l'utiliser avec succès est toujours une expérience éprouvante. L'utilisation du périscope pour se diriger ou pour effectuer une reconnaissance est difficile en raison de la nature du projectile, en particulier lors d'une attaque nocturne à grande vitesse. Il y a de nombreux retards avant que l'arme ne devienne opérationnelle. La première opération de Kaiten est planifiée pour rencontrer l'ennemi dans les îles Marshall en Septembre, en particulier contre les navires au mouillage à Kwajalein, Majuro et Eniwetok. En raison de problèmes techniques, les premières opérations Kaiten sont retardées jusqu'en Novembre 1944.

LA PREMIÈRE OPÉRATION GEN

- La première opération Gen, l'utilisation du Kaiten, est planifiée avec l'engagement de trois sous-marins de croisière océanique, les I-36, I-37 et I-47. Avec quatre Kaiten sur chaque sous-marin mère, les attaques sont planifiées sur les navires ennemis ancrés dans les atolls des Carolines occidentales.
- La première opération Gen est peut être un succès mitigé, mais elle a un prix considérable. Les trois sous-marins mères quittent Ōtsujima le 08 Novembre. Parmi les douze pilotes de Kaiten se trouve le (jg) (anciennement Ens.) Sekio Nishina, étroitement associé au programme de Kaiten depuis le début. Après avoir effectué une reconnaissance, les I-36 et I-47 s'approchent de l'entrée de l'atoll d'Ulithi, où le I-36 lance un Kaiten et le I-47 en lance quatre, dont celui du lieutenant Nishina, à l'aube du 20 Novembre 1944. Des explosions sont entendues et à travers les périscopes des sous-marins mères, on aperçoit d'immenses flammes lorsque le pétrolier de la flotte Mississinewa (AD-39) explose avec un chargement de d'essence d'aviation. Cependant, les forces ASW à Ulithi aperçoivent certains des Kaiten et les coulent avant qu'ils ne puissent terminer leurs attaques.
- Tous les Kaiten lancés à Ulithi sont perdus, mais les I-36 et I-47 rentrent sains et saufs au Japon. Le troisième sous-marin porteur de Kaiten n'a pas cette chance. Le I-37 se dirige vers Palau mais est coulé avant le lancement de son groupe de Kaiten par des forces ASW, probablement les U.S.S. Conklin (DE-439) et McCoy Reynolds (D-440), au cours de l'après-midi du 19 Novembre.

LA DEUXIÈME OPÉRATION GEN

- Les autorités navales japonaises sont désespérées. Elles n'ont pas évalué les résultats de la première opération Gen de manière très réaliste ; le haut commandement affirme que l'opération est un succès et planifie immédiatement une deuxième opération Kaiten à plus grande échelle. Á la fin de l'année, six sous-marins mères constituent la deuxième opération Gen : les I-36 et I-48 sont affectés à Ulithi ; le I-47 à Hollandia ; le I-53 à Palau ; le I-56 aux îles de l'Amirauté ; et le I-58 est affecté à Guam. Ces sous-marins sortent de la mer intérieure à la fin du mois de Décembre 1944 et au tout début du mois de Janvier 1945 ; le jour "X", le jour de l'attaque, est le 12 Janvier. Le I-36 lance quatre Kaiten près de l'entrée de l'atoll d'Ulithi à l'aube du jour "X" - quatre explosions se produisent. L'I-47 lance quatre Kaiten près de Hollandia à l'aube du jour "X" - des flammes de l'attaque sont aperçues. À Palau, également au début du jour "X", le I-53 lance trois Kaiten (l'un d'eux explose accidentellement peu après avoir été lancé), et deux explosions sont entendues de l'intérieur du sous-marin mère, probablement au cours d'attaques contre des navires ennemis. Le I-56, en raison de la présence d'importantes forces ASW ennemies, ne peut s'approcher du port de Seeadlar, Manus, dans les Amirautés, et ne peut pas lancer de Kaiten. Le I-58 lance quatre Kaiten près du port d'Apra, à Guam, à l'aube du jour "X" et rapporte avoir vu de la fumée noire provenant de deux attaques distinctes. Le sixième sous-marin de la seconde opération Gen, le I-48, est retardé. Il appareille finalement pour Ulithi le 09 Janvier, mais un groupe ASW ennemi capture et coule le sous-marin porteur de 2 557 tonnes dans la matinée du 22 Janvier, avec une pleine charge de Kaiten. Ce groupe ASW comprend le Conklin, qui a aidé à couler le I-37 à la mi-Novembre, ainsi que les U.S.S. Corbesier (DE-438) et Raby (DE-698).
- Comme pour la première opération Gen, le quartier général de la Sixième Flotte exagère l'efficacité des Kaiten lors de la deuxième opération Gen, surtout avant la perte du I-48. En effet, aucun navire n'est coulé, mais comme le note un officier du renseignement naval américain, "les Japonais ont évalué les résultats à dix-huit navires coulés, dont un porte-avions converti, neuf grands transports, un pétrolier, un croiseur et six autres grands navires, dont des porte-avions, des cuirassés et des transports". Des estimations aussi optimistes ne peuvent être que le résultat d'un travail d'état-major inexcusablement médiocre".
- D'autres attaques Kaiten contre les mouillages d'atolls ennemis sont immédiatement planifiées- le haut commandement prévoit que les opérations Kaiten se généraliseront à l'extrême et domineront bientôt l'ensemble de la force sous-marine. Pourtant, les commandants des sous-marins de retour des deux premières opérations Gen se plaignent de la difficulté qu'ils éprouvent à s'approcher des mouillages bien protégés et à trouver un point de lancement adéquat pour les Kaiten. Plutôt que d'utiliser les Kaiten comme des sous-marins nains lors des opérations à Pearl Harbor, Madagascar, Sydney et ailleurs, les commandants des sous-marins porteurs recommandent, en vain, que la meilleure tactique pour utiliser les Kaiten serait de déployer la nouvelle arme comme une torpille ordinaire et de la lancer contre des cibles mobiles en pleine mer.


Glossaire
Source : The Japanese Submarine Force and World War II.

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