Torpilles humaines Neger et Marder



Conception et construction
- En 1943, le concepteur de navires de guerre Richard Mohr du Torpedoversuchsanstalt (TVA) d'Eckemförde commence à travailler sur le développement du premier système d'armes pour le futur K-Verband. Son idée est d'utiliser deux torpilles standard G7e, des torpilles électriques presque silencieuses qui ne laissent aucune trace de bulles, transformant l'une d'elles en un porteur pour transporter la torpille d'attaque vers la zone de combat. La torpille porteuse est équipée d'un minuscule cockpit fermé à partir duquel elle est dirigée manuellement. L'appareil est nommé Neger (nègre), ce qui est un jeu de mots avec le nom du concepteur (en allemand : Mohr = anglais blackamoor, origine : personne nord-africaine d'ascendance maure).

Le porteur et les torpilles d'attaque
- Le porteur est simple et primitif à l'extrême. Il s'agit essentiellement d'une torpille G7e dont l'ogive a été retirée et remplacée par un petit cockpit pour le pilote. La position est couverte par un dôme en plexiglas, une coupole fabriquée par la société aéronautique Dornier à Frederickshafen sur le lac de Constance.
- Le porteur pese 2,7 tonnes. La propulsion est assurée par un moteur électrique à torpilles AEF de 12 CV, type AV 76, avec une batterie de 10 volts et un arbre d'entraînement. La vitesse est d'environ 4 nœuds, donc relativement lente, et l'autonomie de 30 nautiques.
- La torpille d'attaque, d'un calibre de 53,34 cm, est suspendue à environ 7 mètres sous le porteur. Elle pèse 1,608 tonne et mesure 7,17 mètres. Sa vitesse maximale était de 40 nœuds et elle pouvait parcourir 31 nautiques. L'ogive pèse 279 kg. Deux petites batteries électriques assurent la propulsion. Le système de propulsion du porteur est suffisant pour propulser les deux torpilles jusqu'à la zone cible. Le porteur n'est pas submersible.
- Le pilote dispose de trois instruments : un manche de commande pour le gouvernail, un levier pour actionner le système de propulsion et un autre levier pour lancer la torpille d'attaque qui poursuit alors sa course à une profondeur prédéfinie. Le point d'observation du pilote est très bas dans l'eau, ce qui lui offre une vision médiocre. Seule sa tête se trouve dans le dôme en plexiglas. Pendant le voyage, les vagues balayent la coupole, qui est généralement rapidement enduite d'une pellicule d'huile. La seule aide pour viser la torpille est une échelle gravée le long du bord intérieur de la coupole et une fine pointe métallique verticale dépassant de la surface au niveau du nez. La navigation se fait grâce aux étoiles.
- Le Marinestabsarzt Dr Arnim Wandel, premier médecin de la K-Verband, qui a lui-même piloté un Neger, critique l'ignorance du constructeur quant au danger du CO2. Sur son intervention, les pilotes reçoivent finalement un appareil respiratoire Dräger utilisé par la Luftwaffe (le fameux « masque de pilote de chasse » = Jägermaske) équipé de deux cartouches de potasse pour absorber les exhalaisons de CO2 et se protéger ainsi d'un éventuel empoisonnement.
- Les principaux inconvénients du Neger sont son incapacité à plonger, ce qui représente un grave danger pour le pilote, sa faible vitesse, qui rend impossible la fuite des forces poursuivantes, et l'absence de compas. Le Neger n'est pas une embarcation côtière éprouvée, comme l'expérience le prouvera bientôt. Il arrive que la torpille d'attaque ne se libère pas lorsqu'on tire le levier, ce qui entraîne un désastre immédiat pour le pilote et l'ensemble mécanique.
- Environ 200 Neger sont construits, dont 140 sont perdus par l'ennemi ou par accident. Leurs nombreuses attaques sur les côtes de Normandie et en Méditerranée, principalement contre des avions et des navires de guerre ennemis rapides, conduisent rapidement au développement d'une version améliorée capable de plonger. Comme pour d'autres types encore en phase de conception ou en cours de développement, la nécessité impose de considérer d'urgence la question de rendre le Neger submersible, ne serait-ce que dans un premier temps et dans une mesure limitée. Le nouveau modèle est baptisé Marder (martre). Les hommes de l'Institut Eckernförde vont travailler à un rythme effréné et en Août 1944, le Marder est prêt.
- Le nouveau porte-torpille, pratiquement identique extérieurement au Neger, est équipé d'un réservoir de plongée à l'avant du cockpit. La longueur passe ainsi de 7,65 mètres à 8,93 mètres, et le déplacement de 2,7 à 3 tonnes. L'embarcation est sûre jusqu'à 40 mètres de profondeur, mais surtout, elle peut plonger jusqu'à 10 mètres. Le temps passé sous l'eau est très court et n'améliore pas beaucoup l'efficacité, mais la capacité à opérer en plongée est d'une grande importance pour le succès et la survie du pilote. 300 Marder I et le Marder II, légèrement amélioré, sont achevés et déployés à parts égales entre l'Europe du Nord, l'Europe de l'Ouest et la Méditerranée.
- En théorie, et surtout aux yeux des planificateurs à terre, la vision d'un grand nombre de torpilles à un seul homme, construites principalement pour combattre la flotte d'invasion, est une proposition attrayante. La réalité est cependant bien différente. La silhouette basse d'une torpille flottante donne au pilote un champ de vision très limité, d'autant plus que le dôme en plexiglas est constamment lavé par la mer et recouvert d'une pellicule d'huile. Si le pilote ouvre le couvercle pour mieux voir, il risque d'inonder l'engin et donc de le couler. En action, les torpilles à un seul homme ont un taux de perte effroyable de 60 à 80%.

Sélection et formation des pilotes
- En un temps relativement court, en Mars 1944, les premières torpilles monoplaces allemandes sont prêtes et l'architecte naval Mohr commence les premiers essais dans la baie d'Eckernförde. Dès le début, un certain nombre d'hommes ayant une expérience de la mer sont recrutés pour ces essais et les opérations ultérieures, parmi lesquels les aspirants Pettke et Potthast, auparavant membres de la 3.Schnellboostflottille, et l'ObltzS Johann-Otto Krieg, un sous-marinier. En 1941, Krieg sert comme officier de quart à bord de l'U-81, un sous-marin de Type VIIC rattaché à la 1.U-Flottille puis à la 29.U-Flottille. L'U-81 (ObltzS Friedrich Karl (Fritz) Guggenberger) participe à de nombreuses batailles de convois et Krieg est à bord le 13 Novembre 1941 lorsque l'U-81 coule le porte-avions H.M.S. Ark Royal près de Gibraltar. À 24 ans, Johann-Otto Krieg prend le commandement de l'U-81 de Guggenberger et en reste le commandant jusqu'au 04 Janvier 1944, date à laquelle le bateau est bombardé et coulé à Pola dans l'Adriatique.
- Krieg, en congé, est surpris d'être convoqué devant le Grossadmiral Dönitz à Berlin pour assister à une conférence à laquelle assistent le Vizeadmiral Heye, le KKpt Frauenheim, le concepteur Mohr et une vingtaine d'amiraux et de « hauts gradés ». Dönitz fait personnellement connaître à Krieg les plans du Neger, lui expliquant comment l'appareil fonctionne et doit être utilisé en opération. Après cela, il est envoyé à la TVA à Eckernförde pour essayer lui-même un Neger. Sous la direction de Mohr, Krieg, Pettke, Potthast et le concepteur mettent alors le Neger à l'épreuve.
- Krieg est nommé premier chef de la K-Flotilla 361 en Mars 1944.
- Peu après l'acceptation de la torpille à un homme par la Kriegsmarine, les quarante premiers pilotes potentiels de Neger arrivent à la base. Il s'agit principalement de volontaires de tous grades issus des trois armes de la Wehrmacht et la plupart d'entre eux n'ont pas d'expérience en mer. L'affirmation de certains historiens militaires britanniques selon laquelle ces hommes avaient eu la possibilité de servir afin d'effacer un crime ou une infraction militaire n'est pas justifiée. On ne peut nier qu'il y ait eu quelques cas de ce genre, mais la majorité de ces hommes courageux se sont portés volontaires, quelles que soient leurs motivations personnelles.
- L'entraînement physique et mental est une priorité, et le principe directeur de la formation est l'éducation physique. Les pilotes doivent fournir d'énormes efforts pendant des périodes de 24 à 60 heures. Ils doivent courir 10 kilomètres avant le petit-déjeuner. Des instructeurs d'infanterie expérimentés leur enseignaient le combat au corps à corps. L'aviron, le canoë et les marches nocturnes de 30 kilomètres sont également au programme. Il y a des tests de courage personnel, par exemple sauter d'une falaise abrupte dans l'obscurité sans savoir ce qui se trouve en dessous.
- Après que les futurs pilotes ont suivi les cours du Kptlt(S) Michael Opladen, la formation se poursuit avec l'instruction sur le maniement et la navigation du porteur et le tir de la torpille d'attaque. Les pilotes doivent également passer un test d'endurance en restant simplement assis dans le Neger. Ce n'est pas un endroit pour les claustrophobes. Comme dans la pratique, il peut être nécessaire dans un cas extrême de passer de longues périodes dans la torpille, des périodes ininterrompues de 20 heures doivent être passées dans le cockpit. Le pilote doit se discipliner pour surmonter la somnolence et résister au sommeil, car le fait de ne pas utiliser l'unité d'oxygène à temps peut entraîner un empoisonnement au CO2 et la mort.
- L'un des premiers problèmes techniques à résoudre est de trouver comment introduire de l'air frais dans le minuscule cockpit fermé. Les pilotes souffrent constamment d'intoxication au CO2 qui provoque des nausées, des vomissements et des maux de tête. L'équipement pour purifier l'air de la cabine du CO2 expiré n'est pas encore terminé et, lors d'essais de plus de trois heures, le niveau de CO2 provoque des réactions toxiques. Les mesures montrent que le niveau est beaucoup plus élevé dans le cockpit qu'ailleurs dans la torpille. L'installation d'un équipement de renouvellement d'air par Dräger-Werke retarde les opérations de Neger d'une semaine, jusqu'au 30 Mars 1944.
- Malgré ces inconvénients et la période de formation extrêmement courte des pilotes, les préparatifs sont alors entrepris pour les opérations à Anzio où les Alliés ont effectué des débarquements et établi une tête de pont. Au total, 30 torpilles monoplaces ont été réalisées.
- Plus tard, en Juillet 1944, le Lehrkommando 350 crée une unité pour l'entraînement des Neger et des Marder à Surendorf, un village situé à environ 25 kilomètres à l'Est d'Eckernförde et dont le nom de code est Dorfkoppel. Le chef de l'entraînement est le Kptlt Heinz Franke et de Mars 1945 jusqu'à la fin de la guerre le Kptlt Horst Kessler. Au total, six de ces K-Flotilla sont créées. (Les postes exacts ne peuvent pas être déterminés avec précision car ils changeaient fréquemment en raison du décès ou de l'incapacité des titulaires).

K-Flotilla 361 (formée en Mars 1944)
- Chef de la flottille - Obltz Heinrich Frank
- Officier torpilleur - Lt Hermann Oertel
- Chefs de groupe : ObIt Ulrich Seibicke, Lt Friedrich-Konrad Jürgensen, Lt Alfred Riess, Lt Joachim Stork, Lt Karl Welz

K-Flotilla 362 (formée en Avril 1944)
- Chef de la flottille - Oblt Leopold Koch
- Officier torpilleur - Lt Ernst Müller
- Chefs de groupe : Lt Heinrich Beierlein, Lt Gerhard Gotthardt, Lt Bernd von Oertzen

K-Flotilla 363 (formée en Septembre 1944)
- Chef de la flottille - Oblt Siegfried Wetterich
- Officier torpilleur - Oblt Karl-Heinz Fiedier
- Chefs de groupe - Lt Kurt Basler, Lt Rolf Dittmar, Lt Otto Hentling

K-Flotilla 364 (formée en Juillet 1944)
- Chef de flottille - Oblt Peter Berger
- Officier torpilleur - ObIt Franz Worm
- Chefs de groupe - Lt Wilhelm Lehmbruck, Lt Kurt Müller, Lt Oskar Schmitz

K-Flotille 365 (formée en Juillet 1944)
- Chef de flottille - Oblt Hans-Geerg Barop Officier torpilleur - Oblt Erich Strecker - Chefs de groupe - Lt Hermann Rossner, Lt Felix Ewerhart, Lt Hermann Messmer, Lt Alfons Stecher, Lt Herbert Resch

K-Flotille 366 (formée en Décembre 1944)
- Chef de flottille - ObIt Paul Heinsius
Rien d'autre n'est connu de cette flottille

- Operations à Anzio.
- Voir page 37
- Invasion Alliée en Normandie.
- Les ports Mulberry.
- Attaques en Normandie.
- Linsen. Voir aussi linsen.htm
- Opérations des Marders en Août 1944.
- Opérations en Méditerranée.


Glossaire
Source : HITLER'S SECRET COMMANDOS

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