HMS/m P615 Uluç Ali Reis
H.M.S. P615 (© IWM)
- Ne disposant que de peu d'installations de
construction navale, la République turque doit, comme son
prédécesseur ottoman, se tourner vers les
puissances occidentales pour équiper sa marine, une
circonstance qui la laisse en proie aux aléas de la
politique internationale. Le déclenchement de la
Première Guerre mondiale entraîne la confiscation
par la Grande-Bretagne de deux cuirassés alors en cours
d'achèvement pour la marine turque, une expérience
qui doit se répéter au début de la Seconde
Guerre mondiale, bien qu'à une échelle beaucoup
plus réduite. En Allemagne, le sous-marin mouilleur de
mines Batiray est repris par la Kriegsmarine et mis en
service en tant qu'U-A, puis le
croiseur marchand armé Andania en Juin 1940. Pendant ce temps, en
Grande-Bretagne, une commande passée en Mars 1939 à
Vickers-Armstrongs de Barrow-in-Furness pour quatre versions
réduites des bateaux de la classe 'S' de la Royal Navy n'est que partiellement
satisfaite. Au début de la guerre, le gouvernement
britannique exerce son option d'achat de deux des quatre bateaux,
l'autre paire étant achevée pour les Turcs en Mai
1942. Nommé en l'honneur du grand commandant ottoman du
XVIe siècle, l'Uluçalireis est construit
à Barrow le 30 Octobre 1939, lancé sous le nom de
P615 en Novembre de l'année suivante et
achevé le 03 Avril 1942. Le P615 et son sister-ship
P614 (ex Burakreis, achevée en Mars 1942)
passent dix semaines à s'entraîner dans la Clyde,
pendant lesquelles ils sont la vedette avec John Mills dans le
long métrage We Dive at Dawn (1943). Affecté
à la 3rd Submarine Flotilla et destiné à
l'escorte, le 15 Juin 1942, le P615 fait route vers
l'Islande, point de départ des convois russes.
Après des exercices anti-sous-marins prolongés au
large de Reykjavik, le 27 Juin, le P615 et le P614
se joignent à l'infortuné PQ 17 en tant qu'escorte
océanique, se retrouvant réduits à une
patrouille de couverture inefficace après que le convoi
ait reçu l'ordre de se disperser le 04 Juillet. Au
début du mois de Septembre, le P615 sert à
nouveau d'escorte océanique, cette fois pour le PQ 18 et
le QP 14 qui se chevauchent et qui sont durement touchés
par les attaques navales et aériennes allemandes. À
la fin de 1942, le P615 et le P614 sont au milieu
de plusieurs mois d'entraînement anti-sous-marin avec des
escortes de surface, d'abord à Scapa Flow, puis au large
de l'Afrique de l'Ouest, en préparation du service contre
les U-Boote au large du Cap. Bien que le P614 finalement
rejoigne la marine turque sous son nom d'origine en 1946, son
sister-ship est destiné à ne jamais revenir dans
les eaux européennes.
- Le 17 Avril 1943, le HMS/m P615 appareille de Freetown,
en Sierra Leone, pour prendre une position de patrouille au large
du Cap de Bonne Espérance. Le Vice-Admiral H. B. Rawlings,
qui commande alors la station d'Afrique de l'Ouest (West Africa
Station), a prévu que la première étape du
voyage du P615 le conduira à Takoradi, sur la
Côte de l'Or, avec le dragueur de mines à moteur
MMS 107 comme escorte. Cependant, ces deux navires ont
à peine douze heures de voyage lorsqu'ils sont
repérés aux premières heures du 18 par
l'U-123 de l'Oblt.z.S. Horst von Schroeter qui passe le
reste de la matinée à les poursuivre. Sa cible
initiale n'est pas le P6I5 mais le MMS 107, contre
lequel il a déjà effectué une attaque
lorsque sa deuxième salve est repérée par
l'officier de quart passant sous lui de bâbord à
tribord à 04h50 heure britannique. Cela est
immédiatement signalé au Lt Lambert du P615
dont la réponse confuse indique qu'il soupçonne
qu'il ne s'agit que d'un marsouin, bien qu'il propose d'envoyer
un rapport ennemi si le MMS 107 est convaincu qu'il s'agit
d'une torpille. Le P615 s'est alors posté en
position lâche sur la hanche tribord du MMS 107 (qui
n'a aucune capacité anti-sous-marine) et cesse de
zigzaguer, sans doute dans l'intention d'utiliser son
équipement Asdic. Quoi qu'il en soit, le P615
devient la cible de l'U-123, et la quatrième attaque de
von Schroeter de la matinée est couronnée de
succès à 10h00 (12h00 heure allemande).
- Le P615 était en contact visuel avec le MMS
107 avant la détonation et le message qu'il a
commencé à transmettre vers 09h50 soit au MMS
107 soit au S.S. Empire Bruce (qui semblait
récemment en bon état à l'avant
bâbord) a été le dernier qu'on a entendu de
lui. Le coup au but est observé depuis la passerelle du
MMS 107, des témoins ayant rapporté que le
P615 'a sauté avec une violente explosion et a
coulé en cinq secondes' à presque exactement 10h00,
heure britannique. Selon le rapport officiel, 'le commandant du
MMS 107 n'a pas vu l'explosion car il assurait le quart
sur le pont à ce moment-là, mais les observations
suggèrent que le P615 a été
frappé par une torpille sous le massif, côté
tribord. Cependant, à aucun moment le dragueur de mines
n'a vu de traces de torpilles, et le journal de bord de l'U-123
('proue à gauche') indique clairement que l'impact
était en fait du même côté bâbord
que celui d'où von Schroeter a attaqué.
- Les observations faites à partir du MMS 107
confirment largement celles consignées dans le journal de
bord de von Schroeter : La torpille de l'U-123 a détruit
instantanément le P615 et aucune trace de son
équipage n'a jamais été retrouvé.
Dans son propre rapport sur le naufrage, le Rear-Admiral Rawlings
note que la zone en question avait été
fouillée par un Catalina
de la RAF la veille, avec des 'résultats négatifs',
et que la 'tendance générale de la disposition des
U-Boote sur le tracé de la trajectoire suggérait
que la zone était dégagée'. B. Barry,
était plus préoccupé par l'affirmation du
MMS 107 (bien que contredite par l'entrée de
l'U-123 à 11h54) selon laquelle le P615 avait
cessé de zigzaguer peu avant d'être attaqué :
'Ceci est en contradiction directe avec la pratique normale des
sous-marins et on considère que cela a probablement
contribué dans une large mesure à sa perte'.
- Un paragraphe a été ajouté au C.A.F.O.
(Confidential Admiralty Fleet Order) 1064/42 pour indiquer que
l'Asdic n'était 'pas conçu pour une haute
performance en surface' et que 'l'on ne devrait pas trop compter
sur lui pour se défendre contre les attaques des
U-Boote'.
Libre traduction par l'auteur du site des pages 331, 332 et 333
de l'ouvrage "U-Boat Attack Logs" de Daniel Morgan & Bruce
Taylor chez Seaforth Publishing.
Sources : le Net