F.N.F.L. "Alysse" (ex H.M.S."Alyssum")
(K 100)
- La corvette "Alyssum" est construite par
George Brown & Co. de Greenock en Juin 1940 et lancée
en Mars de l'année suivante. Initialement destinée
à la Royal Navy, elle est mise en service avec un
équipage français libre sous le nom d'"Alysse" le
05 Juin 1941, deuxième des neuf corvettes à
rejoindre la FNFL pendant la guerre. Après une
brève mise au point à l'école
anti-sous-marine de Tobermory et des réparations à
Greenock, l'"Alysse" est affectée au Canadian 25th Escort
Group (EG-C25) du Newfoundland Command basé à St
John's. Le navire rejoint son premier convoi dans la Clyde le 22
Juillet. Sa première action a lieu le 19 Septembre,
lorsqu'il ouvre le feu sur un U-Boot attaquant le convoi SC 44,
la même nuit où le H.M.C.S. "Lévis" est mortellement endommagé
par l'U-74. Le service d'escorte se
poursuit jusqu'en Décembre, lorsque l'"Alysse" se joint
à une force française entièrement libre
composée de ses sister-ship "Aconit" et "Mimosa" -
qui forment ensemble la 1e division des FNFL - et du croiseur
sous-marin "Surcouf" pour la prise des îles de
Saint-Pierre-et-Miquelon, tenues par Vichy, au large de
Terre-Neuve, la veille de Noël. Retardée au
départ par le mauvais temps, l'opération ne
rencontre aucune opposition et permet à sept hommes de la
région de rejoindre le navire en tant que volontaires de
la FNFL. En Janvier 1942, l'"Alysse" est remise en état
sur la Clyde avant de rejoindre l'unité
opérationnelle canadienne 4.1.12 à Londonderry le
28. Deux jours plus tard, cette force appareille pour escorter le
convoi ON 60 vers Halifax, Nouvelle-Écosse.
- Rassemblé à partir de quatre ports du
Royaume-Uni, le 28 Janvier, le convoi ON 60 est rejoint au large
de l'Irlande du Nord par son escorte pour la première
phase de la traversée de l'Atlantique. Celle-ci se
déroule sans incident, à l'exception d'un
problème de moteur survenu à un seul navire
marchand, et peu avant midi le 02 Février, les
quarante-deux navires de l'ON 60 sont remis à son escorte
occidentale (unité opérationnelle 4.1.12) au
Mid-Ocean Meeting Point (MOMP). Composée uniquement de
corvettes, l'unité opérationnelle 4.1.12 comprend
les navires canadiens "Sherbrooke" (officier supérieur),
"Barrie", "Buctouche", "Hepatica" et "Moosejaw", le navire
britannique "Dianthus" et le navire français libre
"Alysse". Dans l'après-midi du 08, le convoi, qui n'a pas
encore été inquiété, est averti par
l'Amirauté qu'il a probablement été
repéré par un sous-marin allemand. En effet, deux
bateaux ont établi le contact ce jour-là,
l'U-654 (Kptlt
Ludwig Forster) et l'U-85 (Oblt.z.S. Eberhard Greger), tous deux revenant
de patrouilles infructueuses dans le détroit de Cabot qui
sépare Terre-Neuve de la Nouvelle-Écosse. Cette
nuit-là, au moment où la partie du convoi à
destination des Antilles change de cap vers le Sud, Forster
attaque un navire marchand non identifié à
l'arrière de la colonne bâbord ainsi qu'une corvette
qui zigzague à quelque trois encablures de son travers
bâbord. Une salve de trois torpilles est tirée, deux
sur le navire marchand et une sur l'"Alysse", se rapprochant du
convoi à vitesse réduite.
- La torpille de l'U-654, captée par l'Asdic de l'"Alysse"
quelques secondes avant l'impact à 22h31 le 8, heure des
Alliés, explosa à l'avant, laissant le navire en
épave. Selon le commandant de l'"Hepatica", le Lt Cdr T.
Gilmour RCNR, 'la partie avant, de l'étrave au mât,
a été littéralement démolie'. Elle
s'est tellement enfoncée dans l'eau que l'hélice
est sortie de l'eau, ne laissant aucune possibilité de
remettre en route. Cependant, la cloison avant du pont du mess
des soutiers a résisté et une inspection a
révélé qu'elle était étanche.
Tout le personnel non essentiel avait été
évacué à minuit, mais l'équipe de
sauvetage de treize personnes n'a pas tardé à
suivre, Gilmour ayant décidé que l'épave
était trop instable pour justifier de rester à son
bord. À 01h15 le 9, le navire était
complètement abandonné, mais pas avant que le
Premier maître mécanicien L'Huillier n'ait pris des
mesures pour s'assurer qu'il y aurait suffisamment de vapeur dans
les chaudières pour faire tourner la dynamo. À
02h00, une aussière est attachée à la poupe
de l'"Alysse", mais elle se détache une demi-heure plus
tard, ce qui permet de ne pas poursuivre les efforts de sauvetage
jusqu'à l'aube, tandis que l'"Hepatica" se tient
prêt. Les tentatives de remorquage ont été
renouvelées à l'aube, mais l'aussière ne
tarda pas à se rompre à nouveau. À 09h30,
trois de ses hommes, ainsi que le premier lieutenant de
l'"Hepatica", le lieutenant H. McNicholl RCNVR, remontent
à bord de l'"Alysse" et constatent que la cloison tient
toujours et mettent la dynamo en marche sans difficulté.
Cependant, malgré le largage d'une partie du poids
supérieur, l'"Alysse" semblait se tasser davantage et
McNicholl a ordonné à l'équipe d'abordage de
partir vers 11h00 en vue de le saborder. Néanmoins, le
remorquage a repris à 13h30 sur ordre du commandement de
Terre-Neuve, qui avait envoyé le remorqueur de sauvetage
"Prudent" de St John's escorté par le sloop canadien
"Minas". L'équipe de remorquage n'avait pas parcouru plus
de cinquante-huit nautiques à l'aube du 10, mais
l'apparition du "Prudent" à 06h25 a sans doute fait
naître l'espoir que l'"Alysse" pourrait être
ramenée. Ce ne fut pas le cas. À 07h45, la remorque
se sépare à nouveau dans un temps qui se
dégrade et une mer qui monte. L'"Hepatica" tente de le
ramener, mais à 09h25, l'"Alysse" 'roule et fait de
violentes embardées', gîtant d'abord à
tribord puis à bâbord. À 09h30, la cloison
principale ayant manifestement cédé, l'"Alysse" a
coulé avec un fort bruit (probablement une explosion de
chaudière) à peu près à la position
46°34'N 44°10°O.
- Le récit de Forster sur l'attaque de l'"Alysse"
correspond étroitement aux sources alliées à
bien des égards, mais avec quelques divergences
très notables. Tout d'abord, les archives alliées
ne mentionnent aucun navire marchand touché à ce
moment-là, tandis que l'"Alysse" a mis trente-six heures
à couler, contre deux minutes pour Forster, dont les
observations ultérieures sont exactes à tous
égards, sauf en ce qui concerne le plus évident de
tous : le type de navire touché. Bien que l'ordre des
projectiles colorés noté par Forster soit
exactement celui rapporté par l'escorte alliée,
c'est l'"Alysse" qui les a tirés, et non un quelconque
navire marchand. Les observations de Forster sur les deux
escortes qui s'approchaient du navire en détresse
correspondent aux corvettes H.M.C. "Moosejaw" et "Hepatica" qui
se tenaient près de l'"Alysse", mais il est difficile
d'expliquer comment Forster et ses vigies ont pu confondre son
épave avec un vapeur de 7 000 tonnes dans ce qu'il
décrit lui-même comme une bonne visibilité.
En effet, il est difficile d'échapper à
l'impression d'un commandant inexpérimenté ne
voulant pas reconnaître la dépense de quatre
torpilles avec seulement une corvette pour le montrer, un point
apparemment pas perdu au B.d.U.
- La perte de l'"Alysse" n'est pas non plus sans sa part
d'ironie. À 19h11 le 08, un peu plus de trois heures avant
qu'elle ne soit touchée, le Rear-Admiral L. W. Murray,
officier général de la force d'escorte de
Terre-Neuve, a envoyé un message à Sherbrooke
ordonnant que l'"Alysse" soit détachée à St
John's. John's. En supposant que ce message n'ait jamais
été reçu, on doit supposer qu'il n'avait pas
été déchiffré avant que le Kptlt
Forster ne s'assure qu'il ne serait jamais exécuté.
Une commission d'enquête convoquée le 13
exonère toutes les parties de la perte de l'"Alysse",
notant que rien n'aurait pu être fait pour étayer la
cloison arrière. L'exonération formelle du Lieutenant de Vaisseau Pépin Lehalleur par un
Tribunal maritime sur le cuirassé "Courbet"
à Portsmouth suit en Juin 1942.
- La démolition de la partie avant de l'"Alysse" a
tué presque la moitié de son équipage, seul
un soutier a survécu depuis les ponts du mess des marins
et des soutiers à l'avant. Les trente-six morts sont
français, à l'exception de l'officier de liaison
britannique, le Sub-Lt L. E. Fisher RNVR, et d'un
opérateur Asdic de la Royal Navy, le 'Matelot asdic'
William Clifton Smee, récemment affecté au
"Lobélia", le sister-ship de
l'"Alysse". La plupart des officiers, dont L.V. Lehalleur,
dînaient dans le carré lorsque la torpille a
frappé, pour être projetés en tas dans
l'obscurité totale. Lehalleur lui-même a
été assommé et il a été
emporté par ses officiers après que son absence ait
été notée. L'"Alysse" a alerté
l'"Hépatica" de sa situation par lampe Aldis, en disant
d'abord qu'il avait heurté une mine, mais en corrigeant
bientôt en disant 'a été torpillé'. Le
08 à minuit, vingt-et-un des trente-quatre membres
d'équipage survivants, dont Lehalleur, ont quitté
l'épave à bord des deux canots encore en
état de naviguer, et ont été
récupérés par le "Moosejaw" peu
après. Les autres survivants ont été
embarqués à bord de l'"Hepatica" au cours de
l'heure suivante. Ils ont été
débarqués à St John's le 11, Lehalleur ayant
été transféré à
l'hôpital avec une fracture de l'omoplate.
- Un service commémoratif pour les morts, auquel assistent
tous les survivants, est organisé le 24 Février sur
l'île de Saint-Pierre, où vivent cinq de ceux qui
ont péri. Le 04 Avril 1944, l'"Alysse" est
décorée de l'ordre de la division FNFL, une
distinction qui s'accompagne de la Croix de guerre avec
étoile d'argent. Ses morts sont commémorés
sur le mémorial de la marine française libre
érigé sur Lyle
Hill, qui domine le port de Greenock, en Écosse,
d'où partaient souvent les navires de cette force entre
1940 et 1945.
Glossaire
Libre traduction par l'auteur du site des pages 201, 202 et 203
de l'ouvrage "U-Boat Attack Logs" de Daniel Morgan & Bruce
Taylor chez Seaforth Publishing.